A chaque procès d’attentat, les mots et la douleur sont les mêmes. Qu’elle ait fait un mort ou bien cent, que les balles de kalachnikov ont dilacéré les chaises ou qu’un couteau de delicacies se soit acharné sur un cou, l’attaque terroriste, parce qu’elle frappe au hasard, absurdement, des civils qui rentraient du travail, buvaient une bière en terrasse ou dansaient dans une salle de live performance, parce qu’elle déshumanise ses victimes, produit toujours la même sidération, le même anéantissement, les mêmes blessures psychiques que les années n’effacent pas.
La deuxième journée d’viewers du procès de l’attentat du quartier de l’Opéra, à Paris, qui avait fait un mort et quatre blessés physiques, le 12 mai 2018, était consacrée à l’audition des events civiles, jeudi 26 octobre . Une dizaine de rescapés de cette attaque se sont succédé à la barre pour raconter ces quelques minutes pendant lesquelles un « zombies », « froid, comme déjà mort »un « robotic téléguidé » qui criait « Allahou akbar »s’est jeté sur une dizaine de passants, en pleine rue, armé d’un couteau.
La première victime de cet attentat, Ronan Gosnet, employé dans une librairie du quartier, est la seule à avoir été tuée par l’assaillant, un Français d’origine tchétchène de 19 ans qui sera abattu par un policier six minutes plus tard. Aucun de ses proches n’a souhaité témoigner. Grièvement blessé, Zijiang Y., un Chinois, a été sa deuxième cible. Après plusieurs opérations, les médecins ont découvert tardivement la pointe du couteau du tueur logé dans son crâne. « Il avait le visage froid, le regard vide, je n’ai pas vu de hainese souvient-il. Il m’a donné l’impression d’une personne qui n’a plus d’âme, qui ne réfléchit pas, ne fait qu’exécuter. »
« Je me réveille la nuit et je vois son visage »
Dora S. a assisté à l’attaque avec son frère Yacine. Elle a passé six mois en hôpital de jour pour traiter son traumatisme. Elle n’a pas de blessures physiques. Mais à la regarder trembler comme une feuille à la barre, six ans après les faits, sursauter et se retourner au moindre bruit venant de la salle, une porte qui claque, une chaise qui grimace, sur mesure à quel level celles de l’âme sont difficiles à guérir. Benjamin P., lui, a reçu un coup de couteau dans le ventre. Mais ce n’est pas son corps qui le fait souffrir : « Je me réveille la nuit et je vois son visage, toutes les nuits… »
Et puis il y a ce couple, Justine et Olivier U., 26 ans et 32 ans à l’époque des faits, aussi blonds l’un que l’autre. Elle a été blessée au visage, lui a tenté de la protéger, armée de son seul sac à dos. Olivier U. a conservé, gravé dans sa mémoire, chaque seconde de l’attaque : « Je vois ce jeune homme qui apparaîtcommence-t-il, je le vois qui pleure et crie « Allahou akbar ». Il avance en titubant, les yeux écarquillés, je vois le sang sur le couteau, ses mains, la couleur du sang, rouge marron, une palette affreuse qui vous fait comprendre que c’est du vrai sang. »
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