Le rendez-vous a tout juste débuté que le téléphone sonne. Marie-Thérèse Gérard, 63 ans, hésite, avant de décrocher. « Voilà, c’est ça le boulot d’un maire rural, je fais tout ! »lâche ensuite l’élue sans étiquette de Saint-Martin-de-Salencey (Saône-et-Loire), 115 habitants, où on l’appelle « parce qu’il n’y a plus d’eau, parce qu’il ya des vaches sur la route, des fuites dans l’église ou des mauvaises herbes dans le cimetière… ».
Ces difficultés devraient être au menu du congrès des maires, qui s’ouvre à Paris, du 20 au 23 novembre : il est de plus en plus difficile d’être maire en France, selon l’enquête réalisée par le Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof) pour l’Affiliation des maires de France (AMF) et le ministère chargé des collectivités territoriales, dont Le Monde livre les résultats. Envoyée à 33 322 maires, renseignée en ligne entre le 19 septembre et le 12 octobre, l’enquête représentative des communes françaises a reçu 5 980 réponses complètes (7 992 avec les formulaires partiels).
« Sans que l’on puisse (encore) parler de crise de vocation, il existe une forme de désenchantement autour de la fonction de maire »écrit Martial Foucault, directeur du Cevipof. « Révélatrices d’une fatigue républicaine », les démissions s’accélèrent : 350 par an lors de la précédente mandature ; 450 par an depuis 2020. Au-delà des agressions très médiatisées des élus de Saint-Brevin-les-Pins (Loire-Atlantique), en mai, ou de L’Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne), en juillet, cette fatigue est souvent liée aux situations d’exercice du mandat, selon l’étude : difficile conciliation de la fonction avec la vie personnelle (12 %) ou professionnelle (10 %), indemnités insuffisantes (7 %), manque de formation ou d’data (6 %).
« C’est un tabouregrette Nicolas Mayer-Rossignol, maire socialiste de Rouen. On refuse de voir qu’il ya de moins en moins de gens qui ont envie de s’engager. » Le Cevipof relativise toutefois l’urgence de cette déstabilisation de la vie démocratique locale : la France compte encore un million de candidats sur les listes lors des municipales, pour 47 hundreds of thousands d’électeurs. « Le plus fort ratio au monde »souligne Martial Foucault.

« La cost est lourde »
Le malaise des maires n’en est pas moins palpable. « Je voudrais qu’on reconnaisse le temps qu’on y passeconfie Marie-Thérèse Gérard. Il n’y a pas un jour sans que je travaille pour la mairie, dimanche compris. » Des semaines à « cinquante, soixante-dix heures », affirment-ils en chœur. L’enquête du Cevipof permet là encore de nuancer : le temps de travail déclaré est en moyenne de trente-deux heures par semaine. Mais 40,1 % des édiles assurent exercer une activité en parallèle. La plupart bénéficient d’une « facilité horaire », mais pour 62,2 % d’entre eux, cela ne suffit pas.
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