- Deux ans après la révélation de l’affaire Ribes, l’heure est à la « réparation ».
- Mardi, les vitraux, réalisés par le défunt prêtre accusé de pédocriminalité, ont été retirés de l’église de Sainte-Catherine, comme le demandaient les victimes.
- Surnommé le « Picasso des églises », l’abbé Louis Ribes, décédé en 1994, est soupçonné d’avoir agressé sexuellement ou violé 70 enfants, lors d’ateliers de peinture de peinture ou de séances de dessins.
Dans l’église de Sainte-Catherine, située à quarante-cinq minutes de Lyon, seuls les bruits des burins résonnent en cadence. Perchés sur un échafaudage à trois mètres de hauteur, deux ouvriers décollent patiemment chaque vitrail appliqué sur les fenêtres de l’édifice. Un geste symbolique pour démonter ce qu’il reste de l’œuvre du défunt prêtre Louis Ribes, surnommé en son temps le « Picasso des églises » et accusé de pédocriminalité.
Deux ans après la révélation de l’affaire, qui a secoué une fois de plus le diocèse de Lyon, le temps est enfin à la « réparation ». « Ça fait du bien de ne plus les voir, je n’arrive pas à les regarder », confesse avec émotion Luc Gemet, l’une des soixante-dix victimes recensées à ce jour.
Sur les dix vitraux, réalisés par l’abbé dans cet édifice, huit ont déjà été enlevés, dont l’un intitulé « Le fils prodigue » montrant un enfant agenouillé devant un prêtre dans une place très équivoque. « Il nous exigeait de nous déshabiller pour nous dessiner. Et après, dès qu’il avait l’event, il nous touchait, il nous caressait, jusqu’à nous violer », raconte Luc Gemet, encore « assailli par les souvenirs qui reviennent tous les jours ».
Derrière chaque œuvre, « un enfant violé ou agressé sexuellement »
« Derrière chaque œuvre, il ya eu un enfant violé ou agressé sexuellement », confirme Annick Moulin. Elle avait seulement 8 ans lorsque les sévices avaient commencé. L’« ami de la famille », qui s’invitait régulièrement à manger chez ses dad and mom, l’a obligée pendant quatre ans à poser nue, s’adonnant lors des séances de peinture à des gestes interdits.
« Je n’ai plus remis les pieds dans une église depuis des années, poursuit-elle. Y entrer, c’était compliqué. J’avais systématiquement la trouille de tomber sur des tableaux de Ribes. Etre confrontés à ses œuvres, sachant ce qu’il nous faisait subir, n’a fait que prolonger constamment nos traumatismes. Il y avait également la honte, la culpabilité. »
Désormais, la quinquagénaire ressent « un gros soulagement ». « On a enfin entendu nos cris de gamins, encore enfouis au fond de nos tripes. Et maintenant, je n’aurais plus à détourner le regard quand je passe à côté de cette église. Ce qu’il m’a fait subir sera toujours là mais son œuvre ne sera plus seen. Au moins, on ne pourra plus l’encenser à travers ses créations », souligne-t-elle.
Une destruction des œuvres unimaginable ?
La dépose des vitraux, réclamée par les victimes du père Ribes, a pourtant relevé du chemin de croix. Dans le village, certaines âmes, qui avaient aidé à financer la réalisation de ces œuvres, se sont opposées à ce qu’elles soient retirées. Le maire a tenu bon. « Une personne qui se rendrait à un enterrement ici ne pourrait être que choquée par la vue de ces vitraux », explique Pierre Dussurgey qui envisage de faire poser une plaque pour rendre hommage aux victimes et « prévenir ». Pour « laisser une hint ».
Des traces des œuvres du père Ribes, il en reste encore beaucoup. Soixante-dix œuvres ont été recensées dans le Rhône. « Tous les tableaux dont on était propriétaires ont été décrochés en janvier et février 2022 », indique néanmoins Christophe Ravinet, chargé de communication pour le diocèse de Lyon. Seulement, les toiles, sur lesquelles avaient été apposées parfois les noms des victimes, ne pourront pas être détruites immédiatement. « Elles ont été stockées et conservées à des fins d’enquête », précise Laurence Robert, déléguée générale du diocèse.
Quant aux vitraux déjà démontés, « il faut l’accord de chaque ayant droit ». « Si un seul refuser, on ne pourra pas les détruire, souligne Laurence Robert. Il faudra alors attendre soixante-dix ans après la mort de Louis Ribes (survenu en 1994) pour que son œuvre ne soit plus protégée. »
A ce jour, seules les communes de Sainte-Catherine et de Diième ont entrepris de déposer les vitraux de leurs églises. D’autres s’apprêtent à leur emboîter le pas, comme Caluire, Charly et Loire-sur-Rhône. En revanche, la ville de Givors n’a toujours pas accédé à la demande des victimes et du diocèse de Lyon.