Les sénateurs s’emparent ce lundi du projet de loi immigration défendue par Gérald Darmanin. Présenté par le ministre de l’Intérieur comme un moyen “d’être gentil avec les gentils et méchants avec les méchants”, il contient des dispositifs pour faciliter l’attribution de titres de séjour tout en durcissant le ton sur les expulsions.
Après des semaines d’atermoiement au sein du gouvernement, le projet de loi “Pour contrôler l’immigration et améliorer l’intégration” arrive enfin au Sénat ce lundi. Titres de séjour pour les travailleurs sans papiers, expulsions facilitées, niveau minimal en langue française pour obtenir une carte de séjour… On vous résume ce que contient le texte.
• Un titre de séjour pour les métiers en pressure
C’est cet article – le troisième du projet de loi – qui suscite toutes les crispations à droite comme au sein de la macronie. Il vise à permettre la création d’une carte de séjour d’un “dans les métiers en pressure” pour les travailleurs sans papiers. Parmi ceux-ci, on trouve notamment les métiers de bâtiment, de la restauration, de l’hôtellerie, l’aide à la personne ou encore la manutention.
Cette carte sera délivrée automatiquement sous certaines situations comme une présence sur le sol français depuis au moins trois ans et une expérience professionnelle d’un minimal de 8 mois sur les 24 derniers mois. Ce titre de séjour sera expérimenté jusqu’à la fin 2026, avant une éventuelle pérennisation si le dispositif est jugé concluant par le ministère de l’Intérieur.
Les employeurs n’auront pas de démarches à faire, la carte valant autorisation de travail. À l’heure actuelle, les travailleurs sans papiers employés dans ces secteurs peuvent obtenir une carte “salarié” ou “salarié temporaire” mais il s’agit de régularisations exceptionnelles à l’initiative des employeurs.
• Des demandeurs d’asile des pays les plus risques qui pourront travailler immédiatement
Passée relativement sous les radars, cette disposition – contenue dans l’article 4 – déplaît fortement à la droite. Les demandeurs d’asile originaires des pays les plus à risques pourront travailler immédiatement et se verront présenter une formation linguistique pour apprendre la langue française.
Une liste de ces pays sera établie tous les ans. Parmi les pays les plus dangereux, on y trouve notamment actuellement l’Afghanistan et le Soudan. Dans l’état actuel du droit, les demandeurs d’asile ne sont autorisés à travailler qu’au bout de six mois après le dépôt de leur demande.
• Une nouvelle carte de séjour pour les soignants
Face aux difficultés à recruter dans le secteur hospitalier, le gouvernement veut créer une nouvelle carte de séjour pluriannuelle d’une durée maximale de 4 ans qui bénéficiera aux médecins formés hors de l’Union européenne mais également aux sages-femmes, aux dentistes et aux pharmaciens.
• Un minimal de connaissances de la langue française pour obtenir un premier titre de séjour
Les étrangers qui demandent une première carte de séjour auront un niveau minimal de connaissance de la langue française. Ce niveau n’a pas encore été fixé. Aujourd’hui, ces cartes de séjour sont délivrées à situation d’avoir suivi un apprentissage du français dans le cadre du contrat d’intégration républicain, mais sans obligation de résultat.
Un niveau minimal de français est déjà exigé pour l’octroi cependant d’une carte de résident d’une durée de 10 ans et pour l’accès à la nationalité française.
Autre nouvelle obligation : l’engagement pour la personne qui sollicite un titre de séjour de respect “la liberté d’expression et de conscience, l’égalité entre les femmes et les hommes, la dignité de la personne humaine, la devise et les symboles de la République”. Cette situation n’est pas actuellement toujours exigée suivant le titre de séjour sollicité.
• La menace grave pour l’ordre public, un motif pour retirer un titre de séjour
Autre nouveauté de ce projet de loi : “la menace grave pour l’ordre public” qui recouvre des condamnations pour des crimes ou délits passibles d’au moins dix ans de jail (meurtre, viol, vol à important armée…) devient un motif de non-renouvellement à titre de séjour ou au retrait de la carte de séjour.
Cette nouvelle disposition cherche à viser massive, et pourra concerner les personnes qui vivent en France depuis plusieurs années, sont mariées avec un ressortissant français ou ont des enfants nés en France. Cette mesure pourrait aller à l’encontre de la Conference européenne des droits de l’homme qui stipule le “droit au respect d’une vie privée et familiale”.
Ce dispositif existe cependant déjà mais est “exceptionnel”, comme le rappelle le website de l’administration française. Depuis plusieurs jours, Gérald Darmanin publie quotidiennement sur son compte X (ex Twitter) les noms d’étrangers jugés “dangereux” expulsés du territoire nationwide.
• Les obligations de quitter le territoire français facilitées
Ce projet de loi veut également autoriser la reconduite à la frontière des étrangers en state of affairs irrégulière, y compris lorsqu’ils ont des liens personnels et familiaux en France.
Dans l’état actuel du droit, il est par exemple unattainable d’expulser une personne étrangère arrivant en France avec ses 13 ans, même si elle est en state of affairs irrégulière. Cette disposition a été très citée par Gérald Darmanin après l’assassinat du professeur Dominique Bernard pour justifier la nécessité de ce projet de loi.
L’assaillant présumait que Mohammed Mogouchkov avait fait une demande d’asile à sa majorité, qui avait été refusée en 2021. Mais il n’avait pas été expulsé en raison de son arrivée en France lors de son enfance.
Néanmoins, la loi prévoit déjà des exceptions, notamment les « comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l’État, ou liés à des activités à caractère terroriste ».
• La lutte contre l’immigration irrégulière renforcée
Le texte multiplie également les mesures pour lutter contre l’immigration irrégulière. La possibilité de relever les empreintes digitales des étrangers sans papiers sans leur consentement sera désormais potential.
Une nouvelle amende administrative qui pourra monter jusqu’à 4.000 euros pour les entreprises qui emploient un travailleur sans-papiers est également contenue dans le texte. Les sanctions contre les passeurs et “les marchands de sommeil” sont également des revues à la hausse.