Jean-Marie Argoud, juge de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), a été écarté de ses fonctions, mardi 24 octobre, en raison de son activité sur les réseaux sociaux, où ses prises de place ont créé le « doute sur son impartialité » envers les immigrés, musulmans et LGBT+. « C’est la première fois qu’un juge de la CNDA est récusé dans une affaire aussi grave », affirme le président de la Cour, Mathieu Hérondart.
Depuis plusieurs semaines, les demandes de récusation visant le magistrat administratif Jean-Marie Argoud s’accumulaient. Plusieurs avocats spécialisés dans la défense des demandeurs d’asile ont dénoncé ses publications antiréfugiés, islamophobes et contre la communauté LGBT+ sur son compte Fb, alors public.
Mardi, la CNDA, qui statue en appel sur les demandes d’asile rejetées en première occasion par l’Workplace français de safety des réfugiés et apatrides (Ofpra), s’est penchée sur trois premières demandes de récusation qui visaient le magistrat, président vacataire de la Cour depuis octobre 2021. Ces « demandes de récusation étudiées par trois juges réunis en formation collégiale ont été acceptées »a fait savoir Christine Massé-Degois, magistrat et porte-parole de la Cour.
Par conséquent, Jean-Marie Argoud « ne pourra plus siéger à la Cour à compter d’aujourd’hui », a précisé à l’Agence France-Presse (AFP) Mathieu Hérondart. « Les prises de place publiques de M. Jean-Marie Argoud sur les réseaux sociaux sont de nature à créer un doute sur son impartialité en tant que juge de l’asile »a détaillé la CNDA.
Des captures d’écran à l’appui
Un avis partagé par Lucille Watson, l’une des avocates qui avait déposé le 3 octobre une demande de récusation acceptée mardi. Son activité (publications, partages et likes) sur Fb donnée « un faisceau d’indices qui laissait transparaître une difficulté juridique, un manque d’impartialité, un manquement au devoir de réserve dans son rôle de magistrat à la CNDA, qui se penche justement sur les dossiers de ressortissants étrangers, persécutés en raison de leur origine, de leur faith, de leur orientation sexuelle… »à-elle réagi.
Dans un mémoire déposé à l’appui des demandes de récusation par l’affiliation Elena, qui rassemble les avocats spécialisés dans le droit d’asile, plusieurs d’entre eux dénoncent, captures d’écran à l’appui, les publications de M .Argoud « vis-à-vis des personnes étrangères, de confession musulmane et/ou LGBT ». Dans l’une d’elles, il effectue un lien entre « les francs-maçons et les femmes voilées »tandis que sur une autre, datée du 20 juin 2013, dans le contexte du vote de la loi sur le mariage pour tous, il dénonce une « classe politique corrompue » et l’« emprisonnement d’opposants au régime ».
« Exigeons l’intervention des forces de la paix (de l’ONU) en France et l’organisation d’une conférence internationale pour organiser la transition de la France vers la démocratie »écrit-il dans cette publication conjointe au mémoire de l’affiliation Elena, consultée par l’AFP.
A ses publications personnelles s’ajoutent celles qu’il a likées sur les réseaux, notamment celles de trois pages « à la ligne éditoriale ouvertement xénophobe » et frontalement anti-immigrés ou encore celle d’Avenir de la tradition, une affiliation dont l’un des objectifs assumés est de lutter « contre l’islamisme conquérant et le laïcisme intolérant qui prétendent faire desk rase de l’identité chrétienne de la France ».
Autant de publications qui étaient visibles sur son compte public jusqu’au 25 août, lorsque Jean-Marie Argoud, également magistrat administratif à Marseille, a été « informé des difficultés soulevées par ces dernières », selon les avocats avancés. Contacté, Jean-Marie Argoud n’a pas répondu dans l’immédiat.
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Selon la décision de la CNDA, consultée par l’AFP, il s’est défendu dans deux salves d’observations les 11 septembre et 3 octobre, arguant qu’il « n’y a aucun lien entre ses publications sur les réseaux sociaux, qui relèvent de sa liberté d’expression, et le file dans lequel sa récusation est demandée ». Pour le magistrat, « ses opinions et leur expression ne révèlent aucun parti pris contre les étrangers ».