La médiatisation de #MeToo à l’hôpital prend de l’ampleur : alors que la parole se libère dans le milieu hospitalier, franceinfo a recueilli le témoignage de jeunes femmes médecins victimes d’agressions sexistes ou sexuelles pendant leurs études.
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Après les accusations de harcèlement sexuel contre l’urgentiste Patrick Pelloux, par l’infectiologue Karine Lacombe, la parole se libère autour du monde médical des violences sexistes et sexuelles à l’hôpital. Une réunion est prévue au ministère de la santé d’ici la fin du mois sur cette query. Franceinfo a rencontré des jeunes femmes médecins. Même si les mentalités évoluent au sein de l’hôpital, les vieilles habitudes perdurent. Elles nous ont raconté les violences sexuelles dont elles ont été victimes.
C’était il y a quelques années, Marie fait son stage d’interne dans un hôpital psychiatrique d’Île-de-France qu’elle préfère ne pas citer. À l’époque, elle démarre tout juste son premier semestre quand elle est agressée sexuellement par un médecin psychiatre : “Dès les premières semaines de stage, un médecin a commencé à me faire des remarques assez malaisantes du sort : ‘Très horny tes petites bottes de cavalière.’ Un jour, il a demandé à la secrétaire de me convoquer dans son bureau. Je suis rentrée dans le bureau, tout de suite il a fermé la porte à clé, il m’a plaquée contre le mur et m’a touché les seins. J’étais sidérée. Je suis sortie en courant du bureau et je suis allée me réfugier dans le bureau des secrétaires.
“Elles ont vu que j’étais en état de choc. Je leur ai expliqué ce qu’il s’est passé et elles m’ont dit : ‘Oh mais ne t’inquiète pas, il est comme ça, c’est de la blague.'”
Très vite, Marie en parle à son chef de service qui étouffe l’affaire : “J’ai eu du mal à terminer mon stage. Parce que j’avais beaucoup de colère et je ne comprenais pas pourquoi je n’étais pas entendue. Ce qui est horrible, c’est que tout le monde sait et sur un beau signaler les comportements, on est rarement protégés par l’establishment, voire parfois on est sanctionnées, mises au placard. Marie n’a pas souhaité porter plainte pour ne pas porter préjudice à sa future carrière de médecin.
Des comportements signalés et ignorés
Les remarques sexistes et les comportements inappropriés sont encore plus répandus et eux aussi, signalés et ignorés. En Seine-et-Marne, Laure, jeune étudiante à la faculté de Paris VI, doit faire son stage au cupboard d’un médecin généraliste. Dès le début, le médecin lui fait des réflexions sexistes, il a des gestes déplacés, des excès de colère pour, dit-elle, l’humilier devant les sufferers. L’atmosphère est toxique.
Elle a eu beau alerter la fac, envoyer des mails que nous avons pu lire, là encore l’affaire est glissée sous le tapis : “J’avais appelé l’interne du semestre précédent qui m’avait dit qu’elle avait beaucoup souffert pendant le stage et qu’elle avait fait une dépression. J’en ai rapidement parlé à la faculté qui a accepté que je n’ aille plus chez ce maître de scène, tout en me disant qu’il avait sûrement eu un coup de cœur pour moi, j’avais mis un commentaire sur le web site de la fac qui a été effacé par la faculté. Il n’y a pas assez de maître de scène en médecine générale et donc bien, il est resté à son poste sûr.” La faculté de médecine de Paris VI n’a pas souhaité répondre à nos questions.
Huit femmes médecins sur dix témoignent de comportements sexistes
Les chiffres sur les violences sexuelles et sexistes au sein de l’hôpital font froid dans le dos. L’an passé, huit femmes médecins sur dix affirmaient avoir été victimes de comportements sexistes. 30% de ces femmes ont déclaré avoir subi des gestes inappropriés ou des attouchements, 17 % des agressions sexuelles, selon les chiffres de l’affiliation Donner des elles à la santé. Sa présidente, Marie-France Olieric, est cheffe de service en gynécologie à Metz : “C’est grave mais ce qui fait encore plus peur c’est que finalement elles n’en parlent pas. Quand on les interroge, il n’y a que moins de 30% qui déclarent en avoir parlé au sein de l’hôpital Quand on demande pourquoi elles n’en ont pas parlé, soit elles n’avaient pas conscience que c’était anormal, soit elles avaient l’impression qu’il ne se passerait rien.
“Le #MeeToo hôpital, peut-être que c’est le truc qu’il fallait pour que ça bouge.”
Marie-France Oliericà franceinfo
Les mentalités sont en practice de changer avec les nouvelles générations, guarantee Camille Shadilly, trésorière de l’intersyndicale des internes : “La génération des 20 ans, 30 ans, qui arrive là maintenant à l’hôpital, sa mentalité change. Depuis quatre ou cinq ans à peu près, les langues se délient. Certains actes qui étaient autorisés par certains comme normaux, banals, maintenant , sur les dénonces.”
Face à ce #MeToo à l’hôpital, le ministère de la Santé a promis une réponse globale et ferme. Aucun écart ne doit être toléré, a prévenu Frédéric Valletoux. Une aura réunion lieu d’ici la fin du mois avec des associations, des employeurs et des professionnels de la santé.